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9.3 Restauration et numérisation des films

9.3 Restauration et numérisation des films

La mission de Memoriav est de promouvoir la conservation et la diffusion du patrimoine cinématographique selon des critères méthodologiques définis par le respect de l’Histoire et de l’éthique présidant à la conservation des documents. Conserver et montrer les objets en veillant au mieux à préserver leur identité et leur intégrité, c’est-à-dire l’état (ou les états) dans lequel ils furent diffusés à l’époque, suppose l’établissement d’exigences minimales reconnues par les différents acteurs de leur transmission.

Il est d’autant plus urgent de définir ces exigences que la généralisation des supports numériques établit une relation nouvelle avec les sources filmiques antérieures. D’une part, la disparition progressive des appareils permettant la projection des films dans leur format photochimique rend plus d’un siècle de production peu à peu inaccessible sur son support propre. D’autre part la disposition d’outils en mesure d’«améliorer» les œuvres au-delà des possibilités qui existaient à leur époque peut entraîner des altérations dénaturant l’identité de l’objet.

Cette situation nécessite, pour toute opération de numérisation et de restauration, des directives établissant comment assurer la conservation à long terme du patrimoine en même temps que sa diffusion contemporaine.

Restauration et numérisation

Distinguons deux cas :

  • Les films et supports sonores dont la préservation est menacée

  • Les films pour lesquels la conservation est assurée, mais sans élément de diffusion

Dans le cas de supports filmiques (image et son) dont la préservation est menacée

  • Films nitrate

  • Films couleurs

  • Films en état de dégradation (tous supports confondus : acétates, bandes magnétiques…).

Dans l’état actuel de nos connaissances et des possibilités, afin d’assurer une préservation des supports sur le long terme, la solution retenue pour ces films est une restauration photochimique ou numérique/photochimique.

a) Préservation photochimique

Deux étapes sont envisageables pour la préservation photochimique :

  • Une simple mesure d’urgence :
    Si seul le négatif d’un film est conservé, cette mesure consiste à réaliser un interpositif séparé de l’image et du son. Si l’on dispose d’une copie, il en sera établi un inter- négatif séparé de l’image et du son, ainsi qu’une copie ; l’internégatif assure la préservation maximale de la qualité photographique, la copie de référence documente l’étalonnage.

  • Une restauration complète :
    Etablissement des éléments de préservation intermédiaires, dans la mesure du possible au même format que l’original. Etablissement d’une copie étalonnée. L’étalonnage fait partie des choix ou des conditions de production du film et doit s’appuyer sur une copie de référence d’époque pour autant qu’il en subsiste.

Ce n’est qu’après l’obtention d’un élément intermédiaire et d’une copie étalonnée que nous considérons posséder des matériaux de conservation complets, dont la préservation dépend encore du conditionnement. Ces éléments doivent être déposés dans un environnement adéquat, selon les normes en vigueur : https://www.filmcare.org/storage_categories

D’une façon générale, l’abaissement de la température et un taux d’humidité constant (inférieur à 50 %) favorise une bonne conservation des documents.

b) Restauration numérique/photochimique

  • Pellicule couleur
    La restauration numérique est particulièrement recommandée dans le cas des films couleur. Dans la mesure du possible, l’étalonnage doit toujours s’appuyer sur une copie de référence d’époque. S’il subsiste des données d’étalonnage, celles-ci fourniront la référence générale. Tout nouvel étalonnage doit être documenté. Le retour sur pellicule sera effectué à partir de l’élément étalonné, traité dans le respect des caractéristiques propres du matériau original.

  • Pellicule noir et blanc
    Pour les films noir et blanc, nous recommandons, dans l’état des choses, de donner la préférence à la préservation photochimique, afin de conserver les caractéristiques de l’original, dont les éléments matériels véhiculent de précieuses informations sur les conditions de production. Un intermédiaire numérique sans retour sur copie ne représente pas, en ce sens, un élément de préservation. Dans la mesure du possible, l’étalonnage doit toujours s’appuyer sur une copie de référence d’époque. S’il subsiste des données d’étalonnage, celles-ci fourniront la référence générale. Tout nouvel étalonnage doit être documenté.

Préconisations minimales pour la numérisation :

  • Pour les films 16 mm négatifs ou inversibles, un scan en 2K (2048)

  • Pour les films 16 mm positifs, le standard HD (1920)

  • Pour les films 35 mm négatifs, CRI, internégatifs, interpositifs, un scan en 4K en RGB (4096 × 2160)

  • Pour les films 35 mm positifs, nous recommandons le scan en 2K (minimum)

  • Pour le son, un fichier .bwf ou .wav 24 bit non compressé (48 kHz pour les films 16 mm avec son optique; 96 kHz pour les films 35 mm avec son optique et les films 16 mm avec son magnétique; 192 kHz pour films 35 mm avec son magnétique)

c) Conservation des éléments

Les éléments photochimiques originaux et nouveaux doivent être conditionnés dans un environnement adéquat.

La préservation d’un film suppose impérativement la conservation des originaux (négatifs, éléments intermédiaires et copies d’époque). Ceux-ci contiennent matériellement un grand nombre d’informations qui sont perdues lors du transfert ou de la duplication. Les éléments numériques doivent être conservés selon un stockage adéquat. Aujourd’hui, aucun support de conservation n’assure la conservation à long terme du numérique.

A défaut, nous optons pour la conservation dans un container LTO formaté en LTFS (ou TAR, qui est toutefois plus sujet aux erreurs) des éléments suivants :

  • fichiers .dpx (12 bit log ou 10 bit log (Rec. 709)) ou .tiff (16 bit lin) issus directement du scan ;

  • fichiers .dpx et OpenEXR issus de la restauration et de l’étalonnage ;

  • fichiers DCDM et DCP non cryptés.

Deux LTO doivent être produites pour chaque élément décrit ci-dessus et conservées dans des endroits géographiquement séparés. Les LTO doivent faire l’objet de vérification régulière et un plan de migration après deux générations doit être envisagé par l’institution chargée de la conservation.

La Cinémathèque suisse doit recevoir des LTO formatées en TAR ou LTFS pour gérer le stockage. Si la LTO n’est pas déposée à la Cinémathèque suisse mais dans une autre archive qui a la capacité de gérer du numérique, elle doit être formatée en TAR ou LTFS.

Dans le cas où la préservation des supports originaux est assurée, mais sans élément de diffusion

Films 35 mm qui n’ont pas une copie de projection valable, films en 16 mm et autres formats réduits courants :

Dans ces cas seulement, il s’agira d’obtenir une nouvelle copie dont l’étalonnage et la restauration sont effectués dans le souci d’établir une copie aussi proche que possible de l’état du film lors de sa diffusion originale. Si elle existe, on s’appuiera sur une copie de référence d’époque. Dans le cas contraire, un nouvel étalonnage, dûment documenté, sera établi.

Préconisations minimales pour la numérisation :

  • Pour les films 16 mm négatifs ou inversibles, le scan en 2K

  • Pour les films 16 mm positifs, le standard HD (1920)

  • Pour les films 35 mm négatifs, CRI, internégatifs, interpositifs, le scan en 4K en RGB (4096)

  • Pour les films 35 mm positif, le scan en 2K

Conservation :

Les éléments numériques doivent être conservés selon un stockage adéquat. Aujourd’hui, aucun support de conservation n’assure la conservation à long terme du numérique.

A défaut, nous optons pour la conservation dans un container LTO formaté en .TAR ou .LFTS des éléments suivants :

  • fichiers .dpx (12 bit log ou 10 bit log (Rec. 709)) ou .tiff (16 bit lin) issus directement du scan ;

  • fichiers .dpx issus de la restauration et de l’étalonnage ;

  • fichiers DCDM et DCP non cryptés.

Deux LTO doivent être produites pour chaque élément décrit ci-dessus et conservées dans des endroits géographiquement séparés. Les LTO doivent faire l’objet de vérification régulière et un plan de migration après deux générations doit être envisagé par l’institution chargée de la conservation.

La Cinémathèque suisse doit recevoir des LTO formatées en TAR ou LTFS pour gérer le stockage. Si la LTO n’est pas déposée à la Cinémathèque suisse mais dans une autre archive qui a la capacité de gérer du numérique, elle doit être formatée en TAR ou LTFS.

Numérisation dans le secteur de l’archivage

Un service d’archives peut en principe obtenir des médias issus de toutes les étapes de la production audiovisuelle (voir ill. 1 et 2). Les éléments peuvent être analogiques, numériques ou hybrides.

Dans un processus de numérisation, un média analogique audio­ visuel, tel un film ou une vidéo, sera numérisé, traité et destiné ensuite à un certain usage. Pour certaines raisons (voir ci-dessous) l’ « original » analogique (voir numérique) devrait continuer à être archivé.

Conservation numérique ou post-production numérique ?

Les méthodes de travail de la conservation ainsi que de la post­production sont fondamentalement semblables. Cependant, l’orientation et par conséquent les exigences sont très différentes. La post­production doit répondre à la condition préalable de la liberté créative, elle est technique­ ment axée sur les formats actuels usuels et qui conviennent à la production du moment. La conservation, elle, repose sur des principes relevant de la déontologie professionnelle, qui enferment les traitements dans un cadre étroit. Les formats utilisables à long terme y occupent une place centrale. La donne de départ est donc fondamentalement différente, c’est pourquoi la divergence dans le choix des méthodes et des formats de fichier à employer est aussi possible. Tout traitement numérique d’un film plus ancien n’engendrera pas non plus une version restaurée au sens étroit du terme ; une telle version devrait en effet répondre aux principes éthiques susmentionnés.

Dans le cadre de la collaboration des responsables des archives avec des prestataires issus de la post­production, il est important que les objectifs soient clarifiés et que l’on s’entende sur une terminologie claire et commune. Le même terme est souvent employé dans les deux domaines d’activité mais à des fins différentes.

Film, de la prise de vue à l’archivage

Ill. 1: Workflow film. Aperçu des étapes de traitement d’un film, de la prise de vue au paquet d’archivage. Image: D. Pfluger

Film : son

Les travaux de restauration d’un film se concentrent souvent sur l’image, principal objet de la perception. Le son n’occupe qu’une place secondaire. Pourtant, même à l’époque du «cinéma muet», les films étaient toujours accompagnés de son. La sonorisation n’a cessé de se développer, jusqu’à offrir dans les salles de cinéma modernes des systèmes sonores multi­canaux, et a contribué de façon signifiante à amplifier l’expérience cinématographique.

Lors de la conservation du film, également, le son est généralement plutôt traité comme un élément secondaire. Le fait que les pistes sonores existent pour les films dans plusieurs variantes techniques complètement différentes, l’extrême diversité de systèmes sonores propriétaires constituent pourtant un défi dans le cadre de la conservation. Même garantir une image et un son synchrones n’est pas toujours simple.

Ill. 2: Les catégories de pistes sonores les plus importantes dans les formats de projection. Image: D. Pfluger

Film de cinéma classique et son synchrone

Il existe essentiellement deux approches pour réussir la diffusion synchrone de l’image et du son, qui représente un défi technique.

  1. Le son est enregistré sur la pellicule du film, sous forme de piste sonore, et parallèlement à l’image. Il est lu par une tête de lecture, placée à un intervalle défini de la fenêtre image. Ce décalage de l’image et du son est standardisé pour les formats de film.

  2. Le son est stocké sur un support différent et l’appareil de lecture est couplé au projecteur mécaniquement, ou au moyen d’un signal de commande.

Des solutions numériques et analogiques, intégrées dans des supports optiques ou magnétiques, existent pour ces deux approches. Les pistes sonores éclairées sur le film et lues par un moyen optique sont rencontrées le plus fréquemment parmi les formats de projection. Une piste de son analogique a été généralement ajoutée, sur les copies de film modernes, équipées de pistes sonores multicanaux, numériques et optiques (généralement Dolby SR), afin de permettre un recours au son analogique en cas de perturbation du système numérique et une projection de la copie analogique dans une salle dépourvue de Dolby Digital. Les films sonores modernes présentent ainsi plusieurs pistes de son. Le son numérique n’a cependant été utilisé qu’avec les pellicules de film d’une largeur de 35 mm ou d’un format plus large ; il n’est pas attesté pour les films de 16 mm et les formats plus étroits. Dans un film amateur, le son est presque toujours monophonique. Le son stéréo bicanal est attesté uniquement pour des films amateurs avec deux pistes sonores magnétiques commag. Certains films de format 16 mm sont équipés d’une demi-piste sonore optique et d’une demi-piste sonore magnétique. Ce format fut développé par Kodak pour la sonorisation de loisir dans les avions (« In-flight Entertainment ») et a été aussi beaucoup utilisé en Suisse, par exemple par le SSVK (Schweizer Schul- und Volkskino/Centrale suisse du cinéma scolaire et populaire) et par le TCS.

Un fin ruban magnétique est collé sur les copies commag. Cette piste occupe le bord de la pellicule du film et sa couleur brune la rend aisément reconnaissable. Lors du transport, le film est posé sur le côté ; de plus la bande magnétique collée rend le film plus épais sur un côté que l’autre. Pour ces raisons, une piste dite d’équilibrage, le plus souvent très étroite, a été ajoutée dans certains formats de film amateur et posé de l’autre côté du film pour le rééquilibrer. Certains fabricants proposèrent ensuite comme option d’enregistrer le son également sur cette piste.  La piste supplémentaire fut utilisée soit comme deuxième piste mono (par exemple, piste 1 : paroles, piste 2 : musique) soit comme l’une des deux pistes stéréo.

Normalisation des pistes de son pour l’archivage numérique à long terme

Les seuls éléments de départ disponibles pour l’archivage numérique sont souvent les éléments des pistes sonores liés à la projection, ou, sinon, des éléments issus de la post-production, qui contiennent le mixage final du son.  La normalisation de ces éléments sonores à des fins de conservation vise à garder une série de pistes audio, séparées des canaux originels auxquelles elles étaient attribuées, non comprimées ou comprimées sans perte, et correspondant par leur longueur exactement à l’élément de l’image auxquelles elles sont liées. Il faut pour cela décoder les systèmes propriétaires et convertir les formats de fichier compressés avec pertes dans des formats se prêtant à l’archivage.

L’ill. 3 donne l’aperçu des étapes de travail entre les formats de projection les plus importants de l’archivage et les éléments de l’archivage numérique.

Ill. 3 : Présentation des étapes de travail successives menant à la conversion des éléments sonores prévus pour la projection en éléments numériques pour l’archivage à long terme. Image: D. Pfluger

Numérisation des pistes sonores optiques analogiques

Deux stratégies fondamentalement différentes existent pour numériser le son optique :

  1. Le son est lu avec la tête de lecture prévue pour cela. En effet, recourir à une tête de lecture plus moderne n’apportera pas nécessairement de meilleurs résultats et c’est un point qu’il faut absolument prendre en compte. Différentes variantes de pistes sonores optiques analogiques existent.  On peut généralement supposer que les meilleurs résultats seront obtenus avec une tête de lecture contemporaine du support. D’une part, on évite ainsi les déformations et autres défauts dans la qualité du son, d’autre part les caractéristiques originelles du son sont conservées.

  2. Scanner comme image la piste de son optique est une solution qui s’est développée fortement les dernières années, grâce aux meilleures performances des ordinateurs, et qui livre de bons résultats. L’image numérisée est convertie arithmétiquement en son. Un avantage important de ce procédé est que cela permet de restaurer l’image de la piste sonore, de sorte que de nombreux bruits parasites peuvent déjà être supprimés avant la conversion en son numérique.

 

Numérisation des pistes de son analogiques magnétiques

Comme le matériau du support utilisé pour le son, de l’acétate de cellulose (triacétate de cellulose, pellicule 16 mm magnétique séparée), est le même que pour le film, la même problématique de dégradation chimique se pose. Le format sepmag est donc menacé par le syndrome du vinaigre. Le polyester est quant à lui un matériau bien plus stable. Les retours d’expérience ont montré que la présence d’oxyde de fer exerce une influence négative sur l’état du support et favorise le syndrome du vinaigre. La même évolution est constatée lorsqu’un élément sonore sur un support de polyester et un élément de film sur une base d’acétate de cellulose sont conservés ensemble dans la même boîte de film. Les éléments sonores magnétiques devraient donc toujours être conservés séparément des éléments d’image. Ceci est naturellement impossible dans le cas du format commag, où la bande sonore collée sur le film ne peut plus en être séparée. Dans de tels cas, la seule possibilité est de contrôler les conditions climatiques de stockage, pour ralentir la décomposition. (IASA TC-04)

 

Sélection de la piste sonore pour la numérisation

Les recommandations suivantes peuvent servir d’orientation pour choisir l’élément le plus approprié à la numérisation, à condition que différents éléments soient disponibles avec la même piste sonore pour la conservation numérique. Les recommandations se basent sur des estimations généralisées au sujet des caractéristiques qualitatives qui doivent toujours être examinées de cas en cas lors d’éventuels dégâts. Des tests doivent également être conduits afin de clarifier quel élément est doté de la meilleure qualité. Les exemples cités partent du postulat que tous les éléments mentionnés appartiennent au même mixage final, sur une piste sonore identique.

  • En présence de deux éléments de son analogiques optiques, de contenu identique, dont l’un existe dans un format de film amateur (par ex. 16 mm) et l’autre existe dans un format de film plus large (par ex. 35 mm), il faut préférer le format de film plus large.

  • La qualité des pistes de son magnétique est généralement meilleure que celles des pistes de son optiques, dont la plage de fréquence est limitée. Une piste de son en sepmag ou en commag est préférable à la variante optique.

  • Lorsque la sonorisation est complètement séparée, stockée en sepmag sous forme de pistes individuelles et séparées, et issue de la post-production, des moyens numériques permettront de reproduire le mélange final dans une très bonne qualité. Une telle reconstruction est cependant coûteuse en ressources et doit autant que possible être produite au moyen d’une piste sonore déjà disponible, en se servant du mélange final comme référence.

Numérisation de film : remarques supplémentaires

Le film présente des particularités propres dont il faut tenir compte pendant la numérisation pour produire une copie numérique aussi fidèle que possible à l’original. Ceci présuppose une large connaissance de la technique d’enregistrement, de production et de projection. Six aspects sont ici brièvement expliqués. Différentes catégories de films 35 mm ont été tournés dans le rapport 1,33 ou 1,37 (rapport d’image du film caméra négatif). Des années 1970 aux années 1990, des films 35 mm ont été tournés dans le rapport 1,37 et 1,66 mais ont été très souvent projetés ou exploités en rapport 1,66 uniquement. Il est souhaitable qu’aussi bien les négatifs, les copies intermédiaires que les copies de projection soient conservées dans leur rapport original. Une partie de leur histoire sera sinon trans­ mise biaisée aux générations futures.

Il existe aussi, dans le domaine du film analogique, plusieurs « espaces chromatiques ». Ceux-ci dépendent des différents processus colorimétriques chimiques employés au fur et à mesure des développements du film couleur. On peut mentionner ici à titre d’exemple le matériel de conversion Kodachrome, produit entre 1935 et 2009 et très souvent utilisé pour les films amateurs de petit format.  Ce matériel couvre un autre spectre de couleur que, par ex., le matériel Eastman-Color ou Fuji-color. Les variations d’espaces chromatiques des films doivent être prises en compte dans le processus de numérisation pour être correctement représentées numériquement.

Par le passé, ce sont surtout des lampes à arc à charbon qui étaient utilisées dans les salles de cinéma comme source de lumière pour le projecteur. Ces lampes ont été remplacées dans les années soixante par des lampes au xénon, d’usage courant encore aujourd’hui dans les projecteurs de cinéma numériques. La lumière de ces lampes au xénon est plus froide, d’où une image projetée plus bleue. Cette différence est particulièrement visible dans les films muets colorisés, qui étaient conçus pour une projection avec une lampe à arc à charbon. Il faut tenir compte de cette circonstance lors de la détermination de la lumière des éléments de projection.

Dans le film amateur, il n’y a rien qui n’existe pas ! Les cinéastes amateurs et expérimentateurs ont continuellement recherché des solutions nouvelles et les particularités techniques foisonnent ; il convient de les comprendre pour obtenir ne serait-ce qu’une numérisation correcte.

Le son optique est une technique d’enregistrement et de restitution sonore au moyen d’une piste sonore lisible optiquement. Il existe le son optique classique, monophonique, ainsi que plusieurs procédés d’enregistrements sonores stéréophoniques et multipistes, dont quelques-uns numériques aussi. Le son optique mono analogique ne peut pas être numérisé correctement au moyen d’une tête de lecture stéréo. L’incompatibilité de la piste de son et de la tête de lecture causent une forte distorsion, en particulier pour la représentation en zig-zag unilatérale.

Les bandes magnétiques issues de la production du film nécessitent pour leur numérisation des appareils de lecture et d’enregistrement spécifiques. Afin d’obtenir une copie numérique de la meilleure qualité possible, il faut poser la tête de lecture sur la bande magnétique, à l’opposé de ce qui est pratiqué pour le balayage optique d’un son optique. Cela implique d’une part une pression mécanique supplémentaire lors de chaque passage en lecture, d’autre part que les processus de dégradation qui déforment physiquement la bande sonore peuvent influer beaucoup sur la qualité de la lecture.

« Lors de la projection du film, quelle est la partie de la surface du film doit apparaître sur l’écran ?» Il apparaît tout d’abord banal de répondre à cette question. La recherche de la réponse est cependant plus complexe que prévu du fait de la diversité des formats de projection disponibles et des effets techniques secondaires dûs à la production du film. La diversité existante pour les films était déjà plus grande que pour la vidéo analogique, restituée sur des moniteurs. La complexité n’a fait que grandir avec l’introduction de la vidéo numérique et la possibilité nouvelle de visionner une vidéo sur des moniteurs, au moyen de players, mais aussi sur l’écran d’ordinateur. La complexité résulte d’une part de la diversité des formats et des rapports largeur/hauteur des images, d’autre part elle est causée par le fait que toute la surface de l’image n’est pas complètement visible ni sur les moniteurs, ni lors d’une projection du film en restitution normale. Les films et vidéos sont mélangés ensemble grâce aux possibilités du transfert. Dans le cas où un film doit être reproduit par balayage pour une diffusion à la télévision ou au cinéma, il faut à chaque étape du traitement tenir compte de la section du champ photographié qui sera visible au final pour le public. La même question se pose lors d’un balayage à des fins de conservation.

Dans la projection de film dite classique, la pellicule entre dans le couloir et passe devant la fenêtre de film. La fenêtre de film délimite l’espace laissé au rayon de lumière, lequel traversera le film et sera projeté sur l’écran. La position du film devant la fenêtre de film et son extension définissent quelle partie de la surface du film est éclairée et donc projetée.

La zone d’image (le champ photographié) sur le film est en principe définie par le format employé. La fenêtre de film est légérement plus petite, horizontalement et verticalement, que la zone d’image afin de garantir qu’aucune partie du film extérieure à l’image ne soit visible. Pour obtenir un bord d’image précis, l’image projetée sera elle aussi coupée encore une fois sur l’écran. La partie coupée peut représenter jusqu’à 5%, environ, de la largeur ou de la hauteur de l’image. Son extension n’a cependant jamais fait l’objet d’une claire définition grâce à une norme.

Formats de film recommandés

La numérisation de films dans des buts d’archivage n’implique pas seulement le transfert d’images analogiques vers le numérique, elle signifie aussi que le film en tant qu’objet doit être transféré. En conséquence, l’information liée à l’image devra être transférée, dans une définition de l’image suffisante, mais toutes les autres informations projetées / exposées et caractéristiques physiques devront, elles aussi, être documentées, en tant que métadonnées, et archivées conjointement avec les films.

Lorsque des éléments de la projection sont numériques, la section / la découpe de la zone d’image / du champ photographié qui correspond à une projection analogique doit rester visible – contrairement à ce qui est fait avec un brut de scan. Le rognage n’est cependant pas suffisamment défini dans la projection analogique, de sorte qu’il faut finalement décider de cas en cas quelle quantité exacte de pellicule sera coupée (voir Ill. 4).

Abb. 4: Beschnittener Bildbereich als Resultat der Abtastung eines Vollbilds mit dem Academy Bildfenster im Vergleich zum Transfer mit korrektem Bildfenster. Das Problem besteht gleichermassen fur die analoge Umkopierung. Bild: D. Pfluger

De plus, la zone d’image peut être plus grande que le for­mat souhaité par les créateurs du film. Les images du film sont enregistrées dans la caméra par un procédé similaire au mode de fonctionnement lors d’une projection du film : le film (non éclairé) passe à travers le couloir de la caméra ; son exposition dépend des dimensions et de la position de la fenêtre d’image dans la caméra.

Selon le type de caméra utilisée, cette fenêtre d’image aura une forme différente et pourra éclairer une surface plus importante de la pellicule que ce qui est défini par les standards de format. Une plus grande surface peut être éclairée (voir ill. 5), ce qui arrive souvent dans le cas d’une caméra amateur, mais il existe aussi des fenêtres d’image qui éclairent certaines formes à côté de la zone d’image, ce que la caméra utilisée permet d’identifier grâce au film exposé.

Ill. 5: Film 16 mm numérisé de bord à bord (« edge to edge » en anglais), exposé dans presque toute sa largeur du fait de la fenêtre d’image de la caméra. Le trait rouge montre la section qui est visible lors de la projection du film. Image: D. Pfluger

Par ailleurs, au moment où le matériau ’film ’ est fabriqué, des informations sont placées dans la zone des bordures et qui, elles aussi, deviendront visibles lors du développement du film. Il peut s’agir d’informations sur le fabriquant de la pellicule, le type d’émulsion utilisé, ou d’Edge Codes, ainsi nommés car ils révèlent le lieu et l’année de fabrication du matériau du film. L’exemple de l’illustration 6 montre quelles informations peuvent être trouvées dans la zone de bordure du film.

Ill. 6: Extrait d’un film numérisé avec sa zone de bordure qui contient des informations sur le type d’émulsion, le pays et la date de production de la pellicule ainsi que la caméra employée. Les perforations, visibles sur l’illustration, informent de plus sur le type de film, ici un film 16 mm sans piste sonore. Image: D. Pfluger

Ces informations doivent être transmises, sous forme de métadonnées, avec l’information de l’image et du son, pour que le matériel d’origine et les informations sur le processus de numérisation puissent être mis à disposition lors de futures recherches. Une autre solution est de ne pas seulement numériser les surfaces des images pendant l’exposition, mais aussi toute la largeur de la pellicule de film (Edge to Edge Scan). Cette solution sécurise toute méta-information du film qui serait visible en lumière traversante.

Cette façon de procéder n’est pas possible avec tous les scanners disponibles sur le marché ; au contraire, la plupart des scanners ne peuvent pas balayer le film dans toute sa largeur. La zone maximale transférable est limitée, selon les modèles, à la zone de l’image, exclusivement, ou à une zone un peu plus grande (on parle alors d’Overscan).

Le balayage de toute la largeur du film comprend aussi certains désavantages : le capteur utilise une partie importante de la résolution pour la zone de bordure et garde uniquement le reste pour traiter la zone de l’image. Par exemple, lors d’une numérisation 2K (résolution : image de 2000 pixels), la résolution de l’image du film ne sera que d’1.5K environ.

L’illustration 7 résume les avantages et désavantages des différentes méthodes de copie.

Ill. 7: Film : Praesens-Film / SRF, illustration: DIASTOR.

Différentes options pour le rapport largeur/hauteur, la résolution et la section de la pellicule filmée sont offertes par les scanners, selon la forme et la résolution de leur capteur et du logiciel pilote. Les résolutions classiques des balayages de film par le scanner (de 2048 × 1536 pixels pour une résolution de 2K, et de 4096 × 3072 pixels pour une résolution 4K avec un rapport largeur/hauteur de 4:3) deviennent de moins en moins importantes dans le cas des bruts de scan (copie ni modifiée ni retouchée). La plupart des scanners offrent ces résolutions pour la lecture des images, ce qui implique cependant déjà un changement d’échelle lorsque le capteur n’est pas compatible avec la résolution de lecture.

Une numérisation en résolution HAUTE DÉFINITION peut être recommandée pour les films amateurs, à l’exception des films 16 mm négatifs et des films inversibles. Son coût actuel est relativement avantageux. Elle prévoit des fichiers non compressés, avec une résolution HAUTE DÉFINITION de 1080 pixels, un espace chromatique Y′CBCR 4:2:2 et une chrominance de 10 bits, ce qui correspond aux exigences actuelles pour la production professionnelle et peut valoir comme garantie d’avenir pour l’archivage.

La zone d’image d’un film 16 mm qui a un rapport largeur/hauteur 4:3 devrait obtenir une résolution de 1440 ×1080 pixels si le rapport largeur/hauteur de l’image haute définition est de 16:9. Si l’image est scannée Edge to Edge, l’information de la zone de bordure recouvrira d’autant les pixels des deux côtés de l’image HAUTE DÉFINITION, ce qui dans le cas d’un balayage du film se limitant à la zone de l’image, fera apparaître des surfaces noires.

Il faut tenir compte du fait qu’un balayage non compressé produit un gros volume de données en mode HAUTE DÉFINITION, d’où des coûts récurrents importants.

La qualité haute définition n’est pas recommandée pour le matériel de film négatif 16 mm et inversible. La numérisation devrait être de 2K, avec un rapport largeur/hauteur 4:3, un espace chromatique RVB 4:4:4 et une chrominance de 10 ou 12 bits logarithmiques ou de 16 bits linéaires. Ce traitement reste cependant actuellement plus cher que la numérisation haute définition; la gestion des données amène elle  aussi des coûts en raison du volume de données encore plus important.

Le recours aux fichiers d’images fixes DPX ou TIFF pour des restitutions de qualité élevée est aujourd’hui largement établi (répertoires, MXF ou TAR). Ces formats correspondent aux exigences d’un standard industriel.

Une autre solution possible, voire recommandable, est de recourir à des fichiers vidéos FFV1 en MKV ou JPEG 2000 en MXF [voir chapitre numérisation de vidéo].

Les copies 35 mm positives exigent une restitution avec une résolution d’au moins 2K pour la zone d’image ; quant aux copies 35 mm négatives, une résolution de 4K ou plus est recommandée. Des résolutions et des chrominances plus élevées sont certes souhaitables dans certains cas, mais, du fait de leur coût actuel élevé, ne sont retenues comme option que dans les cas exceptionnels, par exemple pour certains éléments particulièrement précieux ou pour des négatifs caméra.

Liens

  • IASA TC 04, International Association of Sound and Audiovisual Archives: Guidelines on the Production and Preservation of Digital Audio Objects, o. O., 2009, Online, consulté le 1.11.2022

  • Image Permanence Institute: Storage Suitability, Online, consulté le 1.11.2022

Derniers ajustements: avril 2023


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