Le domaine spécialisé de la conservation et de la restauration fait une distinction entre conservation préventive, conservation et restauration. La conservation préventive comprend toutes les mesures servant à préserver un objet sans traiter directement l’objet lui-même. En font partie avant tout le respect des conditions climatiques, la protection contre la lumière, les gaz nocifs, etc. Tout travail effectué sur l’objet lui-même (par ex. un nettoyage) dans le but d’empêcher d’autres dommages est considéré comme de la conservation. La restauration englobe toute mesure qui consiste à restituer l’intégrité, notamment aussi esthétique, d’un objet. La restauration requiert des infrastructures, de l’expérience et les compétences d’un personnel qualifié.
Les mesures de conservation préventives telles que le respect de conditions climatiques stables représentent la stratégie la plus efficiente pour conserver des bandes vidéo.
Il se peut que des mesures de conservation et de restauration soient incontournables pour conserver ou lire/numériser des bandes magnétiques fortement dégradées (par ex. pour réaliser des copies d’utilisation, de travail ou d’archives à partir d’un original). Les mesures principales destinées à restituer la lisibilité en cas de détériorations telles que des efflorescences, des bandes magnétiques qui collent et coincent lors de la lecture consistent en un nettoyage (à l’aide d’un appareil et/ou manuel) et à réduire l’humidité du support (par un agent de séchage et/ou la chaleur).
Tout dommage mécanique causé à la bande magnétique se manifeste par des perturbations du signal. Les petites pertes de revêtement magnétique génèrent des dropouts à l’image (perte du signal), les plus grandes ou les détériorations telles que des plis, griffures ou des bandes magnétiques dilatées sont visibles par des dommages plus ou moins importants à l’image.
Pour des raisons techniques, le signal enregistré ne peut être restauré qu’au cours d’un processus de copie ou par traitement ultérieur de sa forme encodée (fichier vidéo). Il est possible de compenser partiellement les dégâts mineurs comme les dropouts par l’utilisation de correcteurs de base temps (TBC) en cours de numérisation ou de procéder éventuellement à des retouches numériques. La déontologie en matière de restauration exige que seules les copies puissent subir des modifications ultérieures.
Chaque type de conservation et de restauration doit faire l’objet d’une documentation et rester compréhensible pour la postérité. Si des spécialistes externes ont collaboré, cette documentation doit faire partie des prestations fournies.
Composition des bandes vidéo et dommages potentiels
En règle générale, les bandes vidéo sont constituées de trois couches : le support, le revêtement magnétique et le revêtement dorsal. Le support utilisé pour les bandes vidéo est constitué de PET (polytéréphtalate d’éthylène) ou de PEN (polynaphtalate d’éthylène). Ce dernier est notamment employé pour de nombreuses bandes vidéo numériques particulièrement minces. Le revêtement magnétique (sur lequel est stocké l’enregistrement vidéo) est constitué d’une émulsion de particules magnétiques, de liant, de lubrifiant, d’agents abrasifs (pour nettoyer les têtes de lecture audio et vidéo), d’agents tensioactifs et d’autres produits chimiques spéciaux (par ex. fongicides). Le liant contenu dans le revêtement magnétique sert à maintenir les particules magnétiques sur le support.
Chaque fabricant utilise pour le revêtement magnétique sa propre composition qui est gardée comme un secret industriel. Parfois, la formule utilisée est demeurée inchangée pendant plusieurs années, cependant il est aussi arrivé que, durant la durée de commercialisation d’un produit, elle ait été modifiée à plusieurs reprises. Le manque d’informations et la complexité de la composition du revêtement magnétique empêchent de déterminer précisément la durée de vie d’une marque de bandes vidéo donnée. Généralement, les particules magnétiques elles-mêmes constituent environ 40% de l’émulsion. Les progrès techniques ont permis de multiplier la force magnétique des particules (force coercitive) ; plus la force magnétique est importante, plus l’information peut être stockée de manière dense.
À partir de 1987, les cassettes vidéo utilisent des bandes étiquetées « metal particle (MP) ». De telles bandes étaient auparavant utilisées pour certaines bandes sonores, mais les particules métalliques s’oxydaient souvent occasionnant des problèmes de lecture (à l’origine de la mauvaise réputation de ces bandes). Pour les bandes vidéo en revanche, on a toujours appliqué des procédés empêchant l’oxydation (coating). Sony a introduit en 1989 des particules métalliques en métal évaporé (« metal evaporated » ME) dans son format Hi-8. Les bandes produites jusqu’en 1996 présentent des problèmes de conservation ; la capacité de conservation des bandes produites ultérieurement est très variable.
Depuis la fin des années 1960, la plupart des bandes sont dotées d’un fin revêtement dorsal composé de particules de carbone synthétique. Ce revêtement qui donne une meilleure stabilité et empêche l’électricité statique est toutefois aussi touché par le syndrome du sticky-shed (sticky shed syndrome ; syndrome du collant ou du gluant ; voir ci-dessous).
L’obsolescence du format et sa composition restreignent l’espérance de vie des bandes vidéo. Bien que le PET de la couche de support soit un matériau extrêmement stable et que son espérance de vie soit estimée à plusieurs centaines d’années s’il est entreposé dans de bonnes conditions (voir le chapitre sur les conditions de conservation), le revêtement magnétique se conserve beaucoup moins longtemps.
Certains liants laissent apparaître des signes de décomposition après quelques années déjà suivant leur composition et les conditions d’entreposage. Dans de tels cas, le revêtement magnétique contenant l’enregistrement peut subir des dommages plus ou moins graves. Un des dommages typiques est le lubrifiant qui s’échappe de la couche de liant, phénomène qui se manifeste par des résidus blanchâtres dans le lecteur. Une détérioration du revêtement magnétique et dorsal induite par hydrolyse (sticky shed syndrome) est également courante. Durant la lecture, les bandes vidéo se mettent à coller à cause de cette dégradation, ce qui se remarque tout d’abord par un grincement. Si le parcours de la bande et les têtes de lecture sont salis, ces dernières s’encrassent (head clog).
Sur des bandes fortement détériorées, il arrive dans de rares cas que tout le revêtement magnétique se détache du support en cours de lecture. Il est possible de régénérer des sections d’un revêtement magnétique collant en réduisant l’humidité de son matériau (entreposage au frais durant une période prolongée). Des procédés de relubrification ont été développés afin de traiter les pertes importantes de lubrifiant, mais ils sont surtout utilisés pour les bandes audio et très peu pour les bandes vidéo.
Obsolescence, décomposition et horizon temporel
« L’obsolescence est le fait pour un produit ou un service d’être dépassé, et donc de perdre une partie de sa valeur d’usage, même s’il est toujours en bon état. » (Wikipédia, « obsolescence »). Ce n’est vraiment pas un hasard si l’article de Wikipédia contenant cette définition est illustré par une remorque pleine de cassettes vidéo VHS : l’évolution technique extrêmement dynamique de la vidéo a pour conséquence que l’obsolescence représente l’une des plus grandes menaces pour sa conservation.
L’obsolescence est un phénomène graduel dont l’apparition ne peut guère être déterminée avec précision. Tant que leur état le permet et moyennant des efforts illimités, il sera toujours possible de lire chaque bande d’une manière ou d’une autre. En même temps, l’abandon de la production et la raréfaction croissante des appareils, pièces de rechange et compétences professionnelles rendent toujours plus difficile la sauvegarde de grandes quantités en respectant les impératifs de rentabilité et de qualité.
Des informations fournies par les fabricants, l’observation de l’offre de prestations et l’hypothèse réaliste de ressources toujours plus limitées permettent d’estimer, dans le contexte de la durée de vie des bandes magnétiques, les délais dans lesquels des fonds importants doivent être numérisés afin de ne pas perdre le patrimoine culturel qu’elles contiennent. Le discours actuel des spécialistes parle d’un délai jusqu’en 2023 à 2028 selon le format (Sony, annonces professionnelles). L’annonce faite en octobre 2014 par Sony, un des plus grands fabricants d’appareils vidéo, de cesser la vente et l’exploitation des appareils vidéo sur bande à la fin mars 2016, étant donné la tendance mondiale à la production sur la base de fichiers, donne tout son poids à ce délai (voir Amia-L). Des services de réparation seront certes encore proposés jusqu’en 2023 et la vente de bandes n’est pas concernée selon l’annonce, mais celle-ci est importante pour la planification au sein des institutions patrimoniales. C’est seulement en vertu de cette réserve qu’il est possible d’envisager aujourd’hui des bandes vidéo physiques comme format cible pour les transferts à titre de mesure de conservation et la sauvegarde de documents disponibles sur bandes vidéo doit être entreprise au plus vite.
L’extrême urgence des mesures de conservation est dictée par la menace d’obsolescence, aggravée parfois par des dommages survenus dans le cadre du stockage ou par la décomposition des bandes vidéo. La rareté et la diminution de la disponibilité des appareils, des pièces de rechange et en particulier aussi des compétences professionnelles et de l’offre de services compliquent considérablement la mise en œuvre de ces mesures. Cette raréfaction a également pour conséquence de renchérir les offres qui subsistent. Les institutions patrimoniales ont donc tout intérêt à agir rapidement et de manière réfléchie pour conserver les bandes qui sont en leur possession !
Conditions climatiques et agencement des locaux
Les conditions dans lesquelles les bandes magnétiques vidéo sont conservées et visionnées sont déterminantes pour leur préservation. L’environnement idéal dépend énormément de la température et de l’humidité de l’air, mais il existe encore d’autres facteurs importants tels que les rayons lumineux, la présence ou l’absence de saleté ainsi que la nature et l’installation des locaux. Tous ces facteurs influencent l’espérance de vie d’une bande vidéo.
Les bandes vidéo doivent être entreposées séparément car tous les médias ne requièrent pas les mêmes conditions climatiques. Les objets et/ou informations supplémentaires sur d’autres supports qui accompagnent la bande, qui peut être une partie d’une oeuvre d’art, doivent être conservés séparément avec, bien entendu, au niveau des métadonnées, un renvoi de part et d’autre.
Recommandation pour la température ambiante et l’ humidité relative
Comme tous les supports d’information, les bandes magnétiques sont influencées directement par la température ambiante et l’humidité relative. L’espérance de vie des bandes augmente lorsqu’elles sont conservées dans un environnement sec avec une température et une humidité de l’air stables. Un air trop humide est particulièrement nocif car il peut déclencher le processus d’hydrolyse du liant (Sticky Shed Syndrome).
Les conditions suivantes sont valables pour conserver plus longtemps des bandes magnétiques à base de polyester (p. ex. bandes vidéo) : 20°C pour 20-30% d’humidité relative, 15°C pour 20-40% d’humidité relative ou 10°C pour 20-50% d’humidité relative. Les conditions idéales pour la conservation à long terme sont : 8°C (jamais en dessous) et 25% d’humidité relative. De plus, dans un laps de temps de 24 heures, l’humidité de l’air ne devrait pas subir de variation de plus de ±5% et la température de plus de ±2°C.
On n’insistera jamais assez sur l’importance d’une température ambiante stable et d’une humidité relative constante pour l’entreposage des cassettes vidéo.
Les modifications climatiques provoquent une dilatation ou une contraction des matériaux qui composent les supports d’information magnétiques ce qui entraîne une modification physique de la masse du support et a pour conséquence que la bande ne passe plus correctement dans le magnétoscope. C’est pour cette raison qu’il est très important de surveiller constamment les conditions climatiques.
Lorsqu’on utilise les bandes magnétiques, la température devrait se situer entre 18°C et 25°C et l’humidité relative de l’air entre 15% et 50%.
En aucun cas les bandes ne devraient être exposées à une humidité relative de plus de 65%. En effet, des valeurs d’humidité élevées augmentent sérieusement le danger d’une invasion de moisissures.
Le danger de décomposition de la bande diminue si la vidéo n’est retirée que brièvement des archives.
Acclimatation
Lorsqu’il existe une grande différence de température entre le lieu de dépôt et l’endroit où l’on visionne la bande, on doit prévoir une possibilité de l’acclimater à l’air ambiant, sinon on s’expose à des erreurs de suivi de piste, à un rembobinage pas net ou à l’apparition de condensation d’humidité sur la bande.
Pour effectuer le processus d’acclimatation, il est nécessaire de disposer d’un environnement clôt dans lequel on peut contrôler les conditions climatiques, p. ex. une petite pièce qu’on peut fermer et dont les conditions climatiques sont proches de celles où l’on va utiliser la bande.
Lorsque la différence de température est peu importante, nous recommandons également de poser la bande quelques temps dans la pièce où elle sera utilisée.
On peut renoncer au processus d’acclimatation ou le raccourcir si on dispose de copies de travail qui sont entreposées dans les mêmes conditions que celles qui règnent à l’endroit où a lieu le visionnement.
Aménagement des locaux
L’aménagement des locaux destinés à la conservation et à l’utilisation de bandes vidéo doit également être mûrement réfléchi.
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Les locaux destinés à la conservation et au travail doivent bénéficier d’une bonne isolation et d’une bonne étanchéité afin que la température appropriée et le bon degré d’humidité puissent y être maintenus et qu’aucun parasite ou autre animal ne puisse pénétrer.
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L’arrivée d’air extérieur devrait être filtrée au moyen d’un filtre HEPA, dont la capacité de rétention est de 99,5%, afin d’éviter les gaz polluants.
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Les locaux d’archivage ne doivent pas avoir de fenêtre afin que les bandes ne soient pas endommagées par des rayons ultraviolets.
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Les bandes ne doivent pas être stockées à même le sol, mais sur des étagères agencées de sorte à laisser une circulation de l’air suffisante autour des bandes.
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Les étagères doivent être agencées de manière à permettre le rangement vertical des bandes vidéo dans des boîtes bien fermées.
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Toutes les installations de travail doivent également être surélevées par rapport au sol.
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Il faut prendre des précautions pour protéger les bandes d’une éventuelle pénétration d’eau due à la condensation, à une inondation, à une fuite ou à un défaut de l’installation sprinkler. Les locaux d’archivage ou de travail ne devraient pas être souterrains car ce genre de pièces est très sujet aux dégâts d’eau.
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On ne devrait pas utiliser de moquettes car elles attirent l’humidité, les insectes et la poussière. Les sols doivent être carrelés et disposer d’une possibilité d’écoulement de l’eau suffisante. Les tuyaux d’écoulement se trouvant dans les locaux devraient être équipés de protections, comme p. ex. des clapets, afin d’éviter des reflux de liquides ou d’eaux usées et pour empêcher des insectes ou autres parasites de pénétrer.
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Le local d’archivage doit répondre aux exigences habituelles en matière de protection contre les incendies et ne doit pas contenir de caisse en bois, de carton, d’étagère en bois ni toute autre matière inflammable. Si le plafond est équipé d’une installation sprinkler, les étagères doivent être disposées de façon que les bandes ne puissent pas entrer en contact avec l’eau.
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Un paillasson, semblable à ceux utilisés pour les appartements, devrait être posé à l’entrée de la pièce afin d’empêcher la saleté d’entrer.
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Les murs, le sol et les plafonds doivent être fabriqués avec des matériaux exempts de poussières et d’entretien facile. Les murs et autres cloisons doivent être conçus pour empêcher la formation de toute condensation d’humidité en leur centre.
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Le sol doit être nettoyé à l’aide d’un aspirateur eau/poussière ou avec tuyau d’évacuation ou muni d’un filtre HEPA de la classe 11 (capacité de rétention de 95%) ou plus élevée.
Rembobinage
Dans les directives anciennes relatives à la manipulation des cassettes vidéo, on trouve souvent le conseil de rembobiner régulièrement les cassettes. De nos jours, la plupart des experts estiment que ce n’est pas nécessaire si les bandes sont entreposées de manière adéquate et qu’au contraire, cela pourrait même se révéler plus dommageable que l’utilisation elle-même.
Par contre, après un long transport, il faut faire avancer la bande et la rembobiner une fois avant de l’utiliser ou de la ranger pour une longue période, ceci afin qu’elle soit enroulée correctement et fermement.
Il est important de rembobiner les vidéos après chaque utilisation sinon elles subissent des points de pression qui peuvent les endommager. (Amia Fact Sheet 8)
Bibliographie et liens
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AMIA, The Association of Moving Image Archivists, Fact Sheet 4 – Structure and Composition of Videotape; Fact Sheet 8 - Environmental Conditions, 2002. Online, consulté le 25.8.2022
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AMIA-L-Thread «Sony acquires digitisation and digital archive preservation company» en juillet 2015, Online, consulté le 25.8.2022, et «End of carrier life…» de août 2015, Online, consulté le 25.8.2022. Et voir aussi le terme «degradescence» de Casey, Mike, Why Media Preservation Can’t Wait: The Gathering Storm, IASA Journal, 2015, 14–22, Online, consulté le 25.8.2022
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Amia-L-Thread «BetacamSP supply»: Sony Professional Announces Sales Discontinuation of ½-Inch VTRs and Camcorders; Service and Support Provided until March 2023, 1.5.2017, Online, consulté le 25.8.2022
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Obsolescence – Wikipedia, Online, consulté le 25.8.2022
Derniers modifications: février 2022