La transmission de fonds photographiques à une institution soulève différentes questions qu’il faut régler entre la personne ou le service versant et l’institution qui prend en charge le fonds. S’agissant du fonds, son volume, sa nature matérielle, son état de conservation, la situation des droits et bien entendu l’orientation thématique de son contenu ainsi que sa qualité esthétique déterminent s’il est digne d’être conservé et transmis à la postérité. Pour l’institution, différents critères d’évaluation sont en outre prépondérants lors d’une prise en charge. Les ressources en personnel, en locaux et plus généralement financières, d’une part, ainsi que la politique de collection qui se réfère la plupart du temps à des critères thématiques et liés au contenu, d’autre part, jouent un rôle dans cette décision.
L’importance de la photographie comme objet de recherche et de collection s’est largement accrue au cours des dix ou vingt dernières années. Bon nombre d’institutions ont commencé durant cette période à prendre en charge des fonds photographiques. D’autres, qui s’occupent depuis longtemps de photos, ont renforcé encore leurs activités contribuant à la constitution d’une mémoculture bien étayée.
Paysage des collections et types d’institutions
La caractéristique des fonds photographiques est qu’on les rencontre un peu partout. Seul un nombre relativement restreint d’entre eux se trouve dans des institutions spécialisées.
Comme l’a démontré une étude de Memoriav et du Fotobüro Bern, en termes quantitatifs la plupart des photographies se trouvent dans des bibliothèques, suivies par des archives et des musées. Il ne faut pas sous- estimer les services administratifs et de documentation ainsi que les organismes privés qui n’ont pas pour mission de constituer une collection. Si l’on considère ensuite la dispersion géographique ainsi que le classement par niveaux de responsabilité et d’impact, il apparaît que les photographies sont non seulement collectionnées dans les grandes villes de notre pays, mais également dans les localités périphériques et les villages, les organismes en question pouvant être soutenus, implantés ou actifs au niveau régional, cantonal ou national. Ceci rend la vue d’ensemble malaisée et occasionne pour les fonds photographiques tant des avantages que des inconvénients.
Chaque type d’institutions met plus particulièrement en avant d’autres aspects suivant son centre d’intérêt et sa culture d’entreprise en matière de conservation et, ultérieurement, de transmission.
Si les bibliothèques et musées sont habitués à traiter des objets individuels, l’arrivée de photographies en masse leur pose des problèmes. En revanche, ces institutions sont performantes pour ce qui est de la transmission. Souvent elles envisagent dès la prise en charge d’un fonds son importance pour un public potentiel.
Les archives par contre n’ont aucune difficulté avec de grandes quantités de photos grâce à leurs méthodes de description archivistique qui ciblent des groupes et des sous-groupes et elles sont sensibles à la problématique de la conservation à long terme. En revanche, la transmission ne fait le plus souvent pas partie de leurs préoccupations principales. Certes, beaucoup d’établissements d’archives présentent du matériel photographique dans le cadre de leurs instruments de recherche en ligne, ces derniers sont cependant la plupart du temps compliqués et peu conviviaux pour le profane. Plutôt que de s’intéresser à des critères esthétiques et de contenu, les archives mettent l’accent sur la teneur documentaire des photos et sur leur exploitation pour la postérité et la recherche.
Les musées quant à eux mettent plutôt au premier plan les aspects de graphisme et d’esthétisme. Les bibliothèques adoptent sur ce point une position pour ainsi dire neutre et trouvent le plus souvent un bon équilibre entre les deux aspects.
Les services administratifs et de documentation bénéficient d’un statut particulier au sein des types d’institutions. Pour eux, le contenu des images est déterminant, dans la mesure où elles ont une valeur utilitaire qui sert leurs objectifs. Le support, qu’il s’agisse d’une photographie, d’un graphique ou même d’un tout autre média, est tout aussi secondaire que la manière de le traiter pour sa conservation.
Qui est responsable de quel fonds ?
Il y a vingt ans encore, il pouvait arriver que des archives photographiques soient jetées sans scrupules ou que des fonds classés entre-temps comme étant d’importance nationale doivent accomplir un véritable parcours du combattant dans les méandres institutionnels avant de trouver asile.
Il n’existe certes toujours pas de critères contraignants pour évaluer des fonds photographiques et la mise sous protection, telle que pratiquée pour les monuments historiques et biens culturels, n’est possible que dans des cas exceptionnels. Malgré cela, une tradition a commencé à s’établir, basée d’une part sur les contacts intensifiés entre les institutions et d’autre part sur la sensibilité grandissante à l’égard de la photographie. Le fait que dans l’intervalle les questions d’évaluation sont discutées ouvertement fait également partie de cette évolution. Cependant, ce sont toujours le profil et la politique de collection de l’institution de dépôt qui sont décisifs pour la prise en charge d’un fonds photographique.
Outre les critères liés au contenu, l’estimation d’un fonds au regard de son importance locale, régionale, cantonale ou nationale joue un rôle grandissant. Il faut cependant ajouter qu’en raison de la situation en Suisse et de la souveraineté des cantons en matière culturelle, les responsabilités et compétences ne suivent pas toujours ces critères. Dans l’intervalle, ce sont surtout des institutions cantonales qui aspirent à jouer un rôle important, non seulement dans la prise en charge de fonds photographiques, mais également en voulant devenir de véritables plaques tournantes dans la conservation des photographies. Dans quelques cantons, il s’agit des archives de l’État, dans d’autres des bibliothèques et dans certains cas également des musées qui agissent simultanément dans deux directions. Il n’est pas rare que ces institutions prennent en charge des fonds d’importance nationale déchargeant ainsi des institutions actives au niveau fédéral. D’autre part, elles les épaulent, en association avec des établissements régionaux et locaux, que ce soit en mettant à disposition leur savoir-faire ou, lorsque des conditions de conservation font défaut, en prenant en dépôt des fonds chez elles.
Comment trouver la bonne institution pour un fonds ?
Quelqu’un qui cherche en Suisse une institution publique pour héberger un fonds photographique de quelque type que ce soit peut compter sur un réseau dense d’institutions patrimoniales. Viennent se greffer là-dessus des réseaux de spécialistes et d’experts qui peuvent aider à trouver un lieu d’accueil adéquat. En plus d’une première évaluation et d’une estimation de l’importance d’un fonds, cela dépend souvent du caractère de son contenu. Dans de nombreux cas, seuls des spécialistes sont capables d’en reconnaître les spécificités et d’estimer quel lieu est le plus adapté à un fonds. Des fonds familiaux et privés, par exemple, qui, au premier coup d’œil, ne présentent pas de valeur esthétique particulière, s’inscriront cependant comme une pièce importante du puzzle dans une collection spécialisée. Afin d’assurer une répartition des charges, il peut être judicieux de conserver les fonds photographiques dans une collection située le plus près possible de leur lieu d’origine, pour autant qu’aucune raison de conservation ne s’y oppose.
Droits, obligations et questions d’indemnisations
Suivant l’origine du fonds, il s’agit pour l’institution de procéder lors de son dépôt à une évaluation qui porte également sur les aspects financiers. Des photographes par exemple, dont les archives représentent parfois l’œuvre de toute une vie, ne cèdent pas volontiers leurs photographies sans contrepartie. Du côté des institutions, de telles prétentions s’ajoutent aux dépenses auxquelles elles s’engagent en prenant en charge le fonds. Une conservation appropriée avec description archivistique et transfert dans des enveloppes et chemises adéquates coûte des sommes considérables. De plus, l’archivage à long terme de photographies impose de prendre des mesures climatiques qui à leur tour impliquent des charges extraordinaires. Il reste la transmission au public qui se fait de plus en plus sous forme numérique et qui en général coûte plus cher que ce que les redevances et le paiement des droits ne rapporteront jamais. Les institutions consentent donc en général à prendre en charge un fonds si elles obtiennent les droits d’auteurs qui y sont liés. La plupart du temps, une solution pratique peut être trouvée pour les autres utilisations, éventuellement restreintes, des photos par leur auteur dans les cercles privés ou dans un contexte culturel.
Bibliographie et liens:
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Dernières modifications : octobre 2017