Christine, quelles sont tes expériences autour des médias audiovisuels : photo, son/radio, vidéo/TV ?
Ma première expérience médiatique en 1995, en tant que conseillère nationale nouvellement élue, a été plutôt embarrassante. La première photo a été publiée dans le Bund sous le titre « Tatort Bundeshaus ». Elle me montrait debout à côté de ma collègue genevoise Françoise Saudan, qui cousait l’ourlet de ma jupe. Un fil avait lâché ….. J’étais une véritable proie pour les médias. Chacun des 180 journalistes accrédités était constamment à l’affût de quelque chose de particulier. Cela me déstabilisait.
Le passage à l’émission « Arena » est un « must » pour les femmes politiques suisses. De quoi te souviens-tu particulièrement ?
Lors de ma première apparition, je suis entrée dans le studio avec le président des entreprises Hasler. En chemin, il a sorti une deuxième cravate de sa poche et m’a demandé laquelle était la meilleure. J’étais perplexe et lui ai répondu que les deux étaient bonnes. Il m’a répondu que je ne devais pas sous-estimer ce détail. Il m’a recommandé de sonder mon entourage le lendemain pour savoir comment je m’en étais sorti. C’est ce que j’ai fait. Les réponses étaient sans équivoque : « Le foulard était très bien », « la veste bleue te faisait pâlir », « ce chemisier a été acheté récemment, n’est-ce pas ? »… J’ai alors essayé, pendant toute l’émission, de regarder par-dessus mon épaule le plus intelligemment possible et de convaincre par des arguments. Finalement, seul mes vêtements sont ressortis.
Les hommes et les femmes en politique sont-ils aujourd’hui présentés de la même manière par les médias ?
L’époque où les candidates étaient jugées sur leur coiffure est certes révolue, mais la présence médiatique n’est toujours pas équilibrée. Cela est clairement lié au fait que les femmes sont moins nombreuses à la tête de la politique, de l’économie et de la science.
Le patrimoine audiovisuel illustre aussi de manière impressionnante comment la « manière de politiser » et de présenter les choses a fortement évolué. Qu’est-ce qui te frappe quand tu regardes ou écoutes des émissions qui datent de 20 ou 30 ans ?
La tenue des femmes s’est rapprochée de celle de leurs collègues. Les premières femmes parlementaires nouvellement élues portaient de jolies robes, de beaux chemisiers. Oui, je n’oublierai jamais le chemisier en soie d’un bleu profond qu’Elisabeth Kopp portait lors de son assermentation en tant que première conseillère fédérale. Plus tard, les femmes ont également adopté une sorte de « Businesslook » avec un pantalon et une veste.
Le projet d’accès au « Ciné-journal suisse » (1940-1975) est un projet important qui a beaucoup occupé Memoriav et ses partenaires, la Cinémathèque suisse et les Archives fédérales suisses, au cours des dernières années. La lutte pour le droit de vote des femmes y est régulièrement thématisée. As-tu des souvenirs personnels du Ciné-journal suisse ? Quelles sont tes pensées lorsque tu visionnes aujourd’hui des actualités cinématographiques ?
Les images du Ciné-journal suisse sont des témoins importants de l’évolution du droit de vote des femmes. D’une part, elles montrent la croissance d’un mouvement inéluctable dans les cantons, à partir surtout des cantons romands. Les films nous permettent aujourd’hui de nous étonner des arguments pour et contre dans le débat masculin de l’époque. D’un autre côté, le Ciné-journal présente également la position de la femme dans ces années-là : les femmes apparaissent certes de temps en temps comme des mères attentionnées ou des aides efficaces pour les malades et les réfugiés, mais dans la Suisse officielle, elles devaient se contenter du rôle de jolies filles en costume traditionnel. Il était évident que cela ne suffisait plus après les années de guerre, durant lesquelles elles s’étaient énormément investies dans l’économie et la société à la place des hommes. C’est pourquoi le droit de vote et d’éligibilité des femmes était attendu depuis longtemps.