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#Etudes

Tex Avery, par exemple
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Tex Avery, par exemple

L’exercice de lecture que nous proposons ici part d’un petit objet. 

Une production parmi les milliers qu’usina Hollywood pour contribuer à l’effort de défense nationale après l’attaque de Pearl Harbour par le Japon, le 7 décembre 1941, et l’entrée en guerre des Etats Unis le lendemain. 

Un cartoon de moins de dix minutes, réalisé à partir de janvier-février 1942 par Tex Avery et son équipe – animateurs, bruiteur, voice actor , musiciens – employés par la Metro-Goldwyn-Mayer, l’un des principaux producteurs de la grande époque des studios. 

ll s’intitule Blitz Wolf et fut diffusé dès fin août 1942 aux Etats-Unis et au Canada en 35mm et en réduction 16mm. ll n’a pas disparu des écrans, loin de là. Seulement ceux-ci ne sont plus plus les mêmes et, d’une certaine manière, Blitz Wolf n’est plus le même non plus. Comment l’appréhende-t-on aujourd’hui ? 

Notre approche met en évidence deux formes de censure. L’une s’est exercée à l’origine et trouve un reflet ironique dans le film tel qu’il fut réalisé et tel qu’il est toujours montré. L’autre est le fait de l’ayant-droits et s’est manifestée au début de ce siècle en Europe à l’occasion d’une remise sur le marché vidéographique des films de Tex Avery.

La chose serait anecdotique et tout au plus ridicule, si elle ne faisait écho à d’autres manifestations du politiquement correct, comme le toilettage lexicale de Tom Sawyer et Huckleberry Finn en 2011 ou, plus récemment, la rectification massive de Charlie and the Chocolate Factory et autres récits de Roald Dahl destinés aux enfants.

La description de la façon dont ces deux censures, de nature et d’historicité différentes, “informent“ l’œuvre soulève la question de la qualité et de la position de qui la regarde. Comment ces interventions définissent – elles la compétence du spectateur, une dimension éminemment historique elle-aussi ?

Le propos s’inscrit dans le cadre plus général d’une réflexion sur cet objet éminemment mutable qu’est un film, un objet façonné par ce que nous proposons de nommer en introduction des variations fonctionnelles et des variations accidentelles.

Blitz Wolf vu de près nous a entraîné à considérer Tex Avery de loin. Le deuxième volet de cette contribution s’attache à établir quelles furent la circulation et la réception de ses cartoons en Suisse. 

Cette recherche-là part d’éléments matériels. Elle est menée à partir de ce que la Cinémathèque suisse conserve comme copies rattachées à Tex Avery, en s’interrogeant sur les origines et la nature d’un corpus largement déterminé par le hasard. Sa richesse se manifeste sous la forme de vingt-et un films 35mm, datés de 1942 à 1953, en bel état, formant deux anthologies brièvement commercialisées en Suisse dans les années 1990 sous le titre de The Best of Tex Avery.

Cet effort de distribution cinématographique marque le point de départ d’une recherche sur la réception du cartooniste américain en Suisse avant cette tardive circulation. Trois moments se dessinent, du plus récent au plus ancien : le temps du florilège, le temps de l’hommage, le temps de l’intermittence. Et un constat : l’importance, par ailleurs rarement prise en compte, de la présence télévisuelle des films pendant certaines périodes.

L’ensemble propose ainsi une approche des conditions de compréhension d’un film en particulier, aujourd’hui accessible à tous en dvd et sur l’internet ; pour un territoire de diffusion donné, en l’occurrence le marché suisse, il brosse le tableau de l’état du corpus 35mm et 16mm conservé; enfin, pour ce même territoire, il établit les conditions historiques de la fortune critique d’une production tôt reconnue comme un oeuvre.

Roland Cosandey
17 juillet 2023

Table des matières

  • ZOOM… BOOM… SOOOO… Où suis-je? Que vois-je ? Qu’entends-je ?
    De Blitz Wolf (1942) à The Best of Tex Avery (années 1990) (PDF)
    Roland Cosandey

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