Un film suisse exceptionnel à redécouvrir : « Les hommes de la montre »
Un vieil homme sort de chez lui et se met à marcher à travers champs ; il s’appelle Albert Bernet (1881-1967) et il exerce la profession de paysan-horloger dans sa ferme isolée, au lieu-dit la Jotte sur Travers. Si Bernet marche encore du « pas d’autrefois », les temps ont changé et avec eux, le métier d’horloger. La caméra entre alors dans une usine où le travail se révèle aliénant, mais dont on nous dit qu’elle a déjà fait place à une autre forme de production, où la machine est au service de l’homme et non l’inverse. Et pourtant, comment oublier l’univers cauchemardesque de la séquence précédente, où le commentaire s’interrogeait : « Qu’est-ce que cela signifie pour le cœur et pour l’esprit de répéter le même geste toute la journée ? »
Commandée à Henry Brandt par Ebauches S.A., la réalisation des Hommes de la montre dura trois ans, de 1960 à 1963. Selon le cinéaste, le film devait être distribué aux Etats- Unis. En 1966, il reçut une prime à la qualité du Département fédéral de l’intérieur. Dans un entretien avec Brandt paru au milieu des années 1960, Freddy Landry remarquait qu’« on peut aller jusqu’à s’étonner qu’une entreprise capitaliste diffuse ce film, qui n’est certes pas un hymne à la gloire du travail en usine et qui donne de la condition ouvrière une image effarante. » A quoi le cinéaste répondait : « Je ne sais pas si c’est une image effarante de la condition ouvrière. Je crois juste qu’elle est juste, vraie. Ce film est assez courageux. »
Commentaire extrait de Neuchâtel : un canton en images (1950-1970) (DVD), Lausanne : Cinémathèque suisse ; La Chaux-de-Fonds : Bibliothèque de la Ville, [2013].