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CONSTANT GIREL, « Ma bonne mère … », 1896
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« La pluie continue cest insensé ». Envoyé par les établissements Lumière auprès du concessionnaire allemand du Cinématographe (Ludwig Stollwerck), puis de son concessionnaire suisse (François-Henri Lavanchy-Clarke), le jeune Constant Girel – il a 23 ans – tourna au mois de septembre 1896 de nombreuses “vues“ qui enrichirent considérablement les programmes de projection, puis le catalogue de vente de la maison lyonnaise : “tableaux“ urbains – dont un panorama expérimental, ce que nous nommons aujourd’hui travelling -, folklore, paysages, défilés, cérémonies officielles avec l’Empereur d’Allemagne et le Tsar. Avec Lavanchy-Clarke, il filma en quelques jours une partie des vues suisses du catalogue Lumière.

L’emploi du temps de Girel est serré. Il est souvent dans le train. D’un hôtel à l’autre, il correspond avec ses patrons. Mais en bon fils, il réussit tout de même à écrire régulièrement à sa mère.

Que peut-il bien lui raconter qui nous intéresse aujourd’hui ? Et quel rôle joue la correspondance comme source historique dans le cas du Cinématographe Lumière ?

« Messieurs Lumière et frères a [sic] Lyon ». En 1897, Girel est au Japon. Le concessionnaire auquel il est attaché se nomme Katsutarō Inabata. C’est un industriel spécialisé dans la teinture du textile. Il avait fait ses études à Lyon et gardait des liens avec la France. Les lettres envoyées par Girel durant son année japonaise n’ont pas été publiées. Par contre, quatre envois de Katsutarō Inabata aux Lumière ont resurgi récemment. Cette correspondance méconnue, rédigée en français, nous fait passer ainsi de la relation familiale à la relation d’affaires [1].

On en prendra connaissance ici grâce à l’obligeance de leur propriétaire, l’entreprise Inabata & Co., Ltd., Osaka, que nous remercions vivement. Nos remerciements vont également à l’Institut Lumière (Lyon), qui conserve la correspondance de Constant Girel et nous a autorisé à en produire la présente édition.

En octobre, les Giornate del cinema muto (Pordenone) présenteront un programme intitulé « Lavanchy-Clarke, Sunlight & Lumière, Suisse, 1896-1904 ». Hansmartin Siegrist, auteur d’une monographie (Auf der Brücke zur Moderne. Basels erster Film als Panorama der Belle Epoque, 2019) et d’un long métrage documentaire (Lichtspieler wie Lavanchy Clarke die Schweiz ins Kino brachte, 2002), exposera à cette occasion comment l’outil informatique est venu renouveler la connaissance des films de Lavanchy-Clarke.

La présente contribution s’inscrit modestement dans le cadre du projet de tournée des films du Fonds Lavanchy-Clarke (1896-1904), récemment restaurés par la Direction du patrimoine cinématographique du CNC (Bois d’Arcy). Cet ensemble représente le plus grand accroissement jamais apporté au corpus des helvetica cinématographiques préservés antérieurs aux années 1920 [2].

Roland Cosandey, juin 2022.

Notes

[1] Deux lecteurs ont apportés des précisions à cette édition.
Felipe de Alencastro (Lausanne) complète les deux lacunes demeurées dans la transcription des lettres d’Inabata. A la page 1, ligne 22 : « … on interdisait les réunions… »; à la page 97, ligne 28 : … « une cassette contenant un album… ».
Hansmartin Siegrist (Bâle) signale que l’intermédiaire par lequel Inabata fit parvenir aux Lumière cette cassette et l’album qu’il contenait, « Monsieur Durand Huguenin et Cie », était la première fabrique de colorants établie à l’étranger par l’industrie chimique bâloise, à St-Fons près de Lyon. Créée en 1882 par Louis Durand et son beau-frère Daniel Edouard Huguenin, elle était spécialisées dans les teintures pour cotons imprimés, un domaine qu’Inabata développait au Japon. (1er juillet 2022).

[2] Sur les premières années du cinéma en Suisse dans « Cinéma : l’histoire pour mémoire / Spuren der Filmgeschichte », voir aussi Roland Cosandey,1897 – 1900. Le Cinématographe en trois volets.

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